Depuis plus de trois ans, Pirats Art Network a investi Second Life pour y promouvoir les arts visuels et de nombreux artistes. Interview croisée des deux fondateurs, Nathalie Gobé et Jean-Marc Larroque.
Quels sont les objectifs de Pirats Art Network ?
Jean-Marc Larroque : « En créant l’association Pirats Art Network, notre but est simplement d’officialiser notre travail. Nous n’avons aucune intention de gagner de l’argent et par conséquent le statut d’association loi 1901 est tout indiqué. Notre objectif est la promotion des arts visuels traditionnels, mais également numériques, ce nouveau domaine n’étant pas à négliger aujourd’hui. Faire connaître de nouveaux artistes fait partie de nos préoccupations. Mais nous souhaitons également faire la promotion de Second Life en tant que média et véritable outil de communication et d’échanges. »
Nathalie Gobé : « Pirats est devenu un réseau de personnes qui se connaissent et qui partagent les mêmes valeurs et le même respect pour l’art. Nous comptons plus de 1000 personnes dans le groupe Pirats sur Second Life et les échanges au sein de cette communauté se font facilement et rapidement. Nous avons réussi là quelque chose que nous n’avions pas vraiment envisagé au départ. »
Avec quel type d’artiste travaillez-vous ?
Nathalie Gobé : « La plupart sont des artistes qui cherchent à se faire connaître dans les domaines de la peinture, de la photo, de la sculpture… Un peintre de l’est de la France a ainsi pu exposer en Bretagne suite à une expo virtuelle dans les galeries de Pirats Art Network. Nous avons également quelques artistes qui fonctionnent déjà bien en réel et qui apprécient les expos virtuelles pour diffuser autrement leurs œuvres, pour rencontrer et créer des échanges ou des collaborations avec d’autres personnes, artistes ou pas, qui sont à 3 ou 4000 kilomètres de chez eux. »
Quel est l’intérêt d’une galerie virtuelle ?
Jean-Marc Larroque : « Une galerie d’art se situe dans l’espace et le temps, il faut s’y rendre, à certains horaires. Sur Second Life, nous nous affranchissons des contraintes d’espaces et de temps. Bien sûr, nous ne voyons pas les oeuvres de la même façon qu’en réel. Mais les rencontres entre artistes et visiteurs sont plus faciles. Les visiteurs vont pouvoir discuter entre eux, échanger. Et exposer sur Second Life reste, pour un artiste, un moyen peu onéreux de se montrer. Souvent, le format réel des oeuvres que nous exposons n’est pas très grand. Mais mises en valeur dans nos galeries virtuelles, ces toiles prennent une tout autre dimension. »
Nathalie Gobé : « Certains artistes préparent de véritables installations pour mettre en valeur leurs œuvres. Ils peuvent aller très loin dans la conception de leur exposition, les contraintes sont moindres que dans la réalité de ce point de vue. D’autres réalisent des œuvres en 3D qui, pour le coup, ne sont visibles et appréciables que dans des lieux virtuels comme Second Life. Quelques unes de nos expositions sont liées à la vie réelle par une exposition simultanée dans une vraie galerie. C’est l’occasion de mettre en relation des visiteurs virtuels sur Second Life et des visiteurs bien réels... »
Comment l’association est-elle financée ?
Jean-Marc Larroque : « Pirats Art Network est financé par les adhésions à l’association. Mais nous assurons à titre personnel 30 à 40 % du financement ! Lorsque Linden Lab a mis fin à ses tarifs préférentiels pour les associations culturelles, le coût de location des régions a doublé (300 dollars mensuels environ pour une sim full prims). C’est donc plus difficile maintenant. Nous avons lancé récemment un appel aux dons qui a bien fonctionné. De plus, Linden Lab nous fournit gratuitement une sim jusqu’en septembre… Après, on verra. De toute façon, nous sommes dans le provisoire depuis le début. Dans la vie réelle, toutes nos démarches officielles de recherche de financement se sont soldées par des échecs auprès des DRAC, des départements, des régions… Si vous n’organisez pas un événement dans la salle des fêtes du village, vous n’obtenez pas de financement… »
Second Life pâtit d’un déficit d’image…
Jean-Marc Laroque : « Oui, il existe malheureusement de nombreux freins à la démocratisation de Second Life. Cette plateforme a trop longtemps été présentée comme une Second Vie, comme un jeu, avec une image « pas très sérieuse » qui lui colle encore aujourd’hui à la peau. Du coup, les entreprises, les galeristes, les collectivités territoriales, les institutions ne prennent pas cet outil au sérieux alors qu’il nous permettrait de faire tant de choses. Ce n’est pas un Eldorado comme la vague médiatique a voulu le faire croire, c’est une plateforme technologique de formation, de communication, qui, de plus, présente des intérêts écologiques et économiques. »
Second Life semble subir un exode. En souffrez-vous ?
Nathalie Gobé : « Nous ne constatons pas de désertion de nos vernissages. Ils rassemblent toujours de 60 à 150 personnes. Et nos galeries sont visitées ensuite. Lorsque nous exposons dans de grands espaces et qu’il y a beaucoup d’artistes représentés, bien sûr, les visiteurs sont plus nombreux car la communication et la promotion sont multipliées. »
N’avez-vous pas l’intention de migrer sur plateforme OpenSimulator ?
Jean-Marc Laroque : « Nous nous sommes posés la question au moment où Linden Lab a modifié ses tarifs. Mais nous ne pensons pas que ces plateformes (FrancoGrid, OSGrid…) nous fournissent assez de visites naturelles pour que notre projet soit viable. En termes de fréquentation et de communication, ce n’est pas encore ça. Nous ne croyons pas à une plateforme fermée, cela ne va pas dans le sens de la promotion. On ne veut donc pas y aller pour l’instant. D’ailleurs, certains galeristes reviennent sur Second Life car ils n’ont pas de visites sur les plateformes OpenSimulator. »
Natahlie Gobé : « Si nous voulons développer Pirats Art Network, nous devons nous appuyer sur la qualité technique de nos manifestations virtuelles et sur une démarche professionnelle. Second Life, tout le monde connaît, il y a une visibilité, une qualité et une crédibilité même si, comme nous le disions plus haut, le côté ludique et futile prend encore le pas sur les utilisations professionnelles dans l’opinion publique. »
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