A l’heure du NO-CODE, vous allez dire que je n’ai rien compris, que je suis à la « ramasse »… Mais le site que vous consultez en ce moment même a été réalisé en php/html/css à la main d’un développeur amateur. Cet exercice de codage m’amuse finalement, tout en m’aidant à mieux comprendre comment tout cela fonctionne et en faisant travailler mon vieux cerveau pour éviter la sclérose… Gageons qu’en 2025, j’aurais le courage et le temps de bloguer à de nombreuses occasions quelques contenus qui pourraient vous intéresser.
Lokazionel a rencontré Julien Llanas, chargé de mission « jeux sérieux et 3D » pour l’académie de Créteil.
Quelle est votre mission à l’académie de Créteil ?
«Je pilote un programme d’innovation pédagogique dont l’objectif est de fournir aux enseignants des premier et second degrés des ressources de type jeux vidéo ou séquences 3D. Les thèmes concernés par ces outils vont de la solidarité internationale au développement durable en passant par le calcul, l’anatomie, les langues... J’assure une veille sur les produits existants, je les sélectionne et les propose en test aux enseignants volontaires. Mon rôle est de partager et valoriser les bonnes pratiques et les ressources qui en valent la peine. Ensuite j’essaye de partager des retours d’expérience à l’occasion de salons ou de publications. A ma connaissances des expériences similaires dans lesquelles des enseignants utilisent des jeux sérieux ont lieu dans l’académie de Lille, Poitiers, Aix-Marseille, Strasbourg, Lyon…»
Participez-vous directement à la création de serious game ?
«Oui, je suis co-directeur de projet sur des développements de «serious game» important comme «Donjons et Radon», qui permet d’apprendre la physique en jouant dans un univers médiéval fantastique ! J’assure le lien entre les chercheurs, les développeurs et les enseignants. Dans ce type de support, il faut garantir la véracité scientifique tout en mettant en scène les savoirs dans des intrigues, des enquêtes ou des actions de jeu motivantes. A titre d’exemple, si le joueur est enfermé dans une pièce obstruée par un mur de glace, il doit faire fondre la glace pour parvenir au niveau suivant. Mais il ne faut pas oublier d’installer des ouvertures dans ladite pièce pour tenir compte des différentiels de température et de pression En tant qu’enseignant d’histoire géographie je n’ai pas les compétences didactiques pour travailler en sciences physique et il est donc nécessaire de mobiliser des enseignants de la discipline. Un inspecteur suit également le projet apporte une expertise dans ce domaine également.»
Outre les jeux vidéo, vous vous intéressez à la 3D…
«Je mets en place ce que j’appelle des « expérimentations Avatar ». Nous installons un système « cinéma » dans la classe avec un ordinateur compatible 3D pour projeter les contenus. Le modèle 3D ainsi projeté peut être manipulé à la souris, et le sera bientôt avec un stylet. Le but est de permettre aux élèves de mieux comprendre comment fonctionnent des objets complexes comme le cœur et ses flux sanguins et de mieux mémoriser ces modèles. Le but est de vérifier l’apport pédagogique de ces technologies.»
Comment est perçue votre démarche parmi les enseignants ?
«Depuis le début de l’année scolaire, des expérimentations ont été menées avec une dizaine d’enseignants. Il est parfois difficile de les convaincre car les plus motivés sont souvent ceux qui ont déjà des responsabilités supplémentaires et donc une surcharge de travail. Or, intégrer un jeu vidéo dans son cours nécessite souvent un gros investissement au départ. En effet, l’angle choisi par l’enseignant est très rapidement dépassé et il se retrouve à développer des connaissances plus transversales que son strict sujet de leçon. Il va également devoir parcourir l’ensemble du jeu avec parfois des codes qu’il ne maîtrise pas. Après une phase de curiosité et de fortes attentes, il y a donc un aspect déceptif face à la quantité de travail que cela demande. Les professeurs du premier degré sont plus disponibles pour ce genre d’innovation pédagogique car ils disposent d’une liberté pédagogique renforcée du fait de leur habitude à travailler par compétences dans leurs enseignement et de ce fait ils ont plus facilement la possibilité de faire du transversal.»
Et les élèves…
«Les élèves reçoivent plutôt bien ce type de support pédagogique. Même si tous ne sont pas partants! Phénomène marginal mais surprenant, certains jeunes n’adhèrent pas car ils considèrent qu’ils sont en cours pour apprendre sur des supports écrits, pas pour jouer.. Globalement, le jeu vidéo permet à l’élève d’avoir des retours constants, des stimuli, des gratifications durant ses phases d’apprentissage et il peut multiplier les tentatives-échecs et réitérer les tentatives-réussites sans mobiliser l’enseignant et sans dramatisation de l’erreur.. Il y a moins de phases de blocage et d’attentes grâce à la gestion fine de la difficulté que propose certains jeux et l’apprenant gagne ainsi en autonomie dans son apprentissage même si une contextualisation pédagogique des connaissances et compétences encapsulées dans le jeu doit être faite par l’enseignant pour espérer que l’apprentissage ait lieu. Les enseignants ont remarqué un meilleur retour de la part des élèves sur les séquences de jeu qui leur sont données à réaliser à la maison. Le jeu est mieux reçu par les jeunes que les devoirs classiques … sans démogagie, la question de la rentabilité pédagogique du temps de jeu croissant de l’enfant se pose aujourd’hui comme elle se pose pour la télévision depuis de nombreuses années : une limitation du temps de jeu peut être accompagnée d’une pratique plus intelligente pour peu que les ressources vidéoludiques le permette ce qui n’est pas encore le cas actuellement.»
Retrouvez Julien Llanas sur twitter (@edugame3D et @julienllanas) et sur son blog.
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