Dans quelles circonstances avez-vous réalisé cet atelier de découverte des mondes virtuels ?
« J’étais déjà intervenue auprès de l’ASCA, association culturelle de quartier à Beauvais, en mars dernier pour une conférence sur les mondes virtuels dans le cadre de la programmation annuelle des « saisons du cinéma » de l'ACAP. Puis les animateurs de l’association m’ont proposé de prolonger mon intervention par un atelier d’initiation au « build », comprenez « construction » d’objets en 3D, durant les vacances scolaires au sein de son Labo multimédia. »
Comment avez-vous structuré votre intervention ?
« Nous avons conçu la séance en deux séquences. La première a été consacrée à une initiation à l’utilisation de son avatar (déplacement, mouvement, affichage…), puis à une découverte des environnements virtuels de FrancoGrid avec un accueil spécifique par les porteurs de projets : Maths Estaque, Métalectures, Parc de jeux Anduze... La seconde étape fut dédiée à une initiation à la modélisation. J'ai pu animer la première partie à distance, de mon domicile. J’ai accompagné les participants sur FrancoGrid, j’ai fait le guide… L'après-midi, je les ai rejoints à Beauvais, nous étions donc tous ensemble physiquement et nous sommes passés à la séquence « build ». Je bénéficiais d’une vidéo projection de mon poste sur un grand écran, ce qui améliorait grandement les conditions d’apprentissage. »
Quel était votre public ?
« Une dizaine de jeunes âgés de 11 à 15 ans et quelques adultes, réunis autour de sept ordinateurs. Pour cette découverte, je leur avais créé des avatars avant la séance. »
Et l’objectif ?
« Cette action s’inscrivait dans le cadre des activités multimédias de l’association et est apparue comme une des technologies à faire découvrir parmi les outils de modélisation 3D. Un transfert de compétences ayant été effectué vers les animateurs, cet atelier devrait connaître des prolongements. Nous resterons en contact pour échanger photos et films de la séance. Mais également pour transmettre des informations leur permettant de guider les familles de ces jeunes au cas, vraisemblable, où ils poursuivront de chez eux cette activité en se créant un compte sur FrancoGrid. »
Quelle attitude avaient les jeunes ?
« Ce que j'ai pu observer le matin, alors que les participants ne me connaissaient pas, c'est leur attitude très décomplexée vis-à-vis de moi et des autres avatars présents… Ils osaient tout et j'ai eu fort à faire pour obtenir un peu de discipline sans brider leur enthousiasme. »
Votre présence physique l’après-midi a-t-elle modifié leur comportement ?
« Oui ! L'après midi, une fois que j'ai pu mettre un visage incarné sur chacun des avatars que j'avais accompagnés dans la matinée, et observer la réalité de leur comportement ordinaire, les plus délurés virtuellement étaient en réalité les plus réservés, voire timorés dans l'exécution de consignes simples d'apprentissage, et inversement. J'ai fait en sorte de leur rappeler que je les connaissais du matin pour qu'ils se libèrent à nouveau. Me rencontrer en chair et en os, après la séance virtuelle, les a sans doute troublés. Finalement, j'incarnais celle qui les avait pris sur le fait de leur capacité à s'exprimer sans crainte. Nous retrouvons ici les constats de Tao avec ses élèves. En fin de journée, je les ai enfin tous retrouvés avec moi comme le matin. »
En tirez-vous des conclusions ?
« Ce moment d’hésitation démontre les atouts offerts par les activités collectives en univers virtuel : un sentiment de protection, de moindre exposition qui libère les personnes timides et au contraire tempère les plus (trop ?) à l'aise en société. C’est un boulevard inédit offert à la communication entre pairs (ou non) et à la réalisation de soi, que les codes habituels de la présence physique compromettent davantage. Si j'avais encadré toute l'opération en présentiel, je n'aurais pas pu obtenir et entretenir cette relation initiée le matin, beaucoup plus spontanée et authentique avec chacun des participants. »