Peut-on faire du business sur Second life? Koxinell Lane, manager de FRANCE3D, nous livre son analyse après plusieurs années d’activité dans le monde de Linden Lab.
Quand avez-vous créé FRANCE3D?
«Dès juillet 2007, nous avons créé notre première sim, Courchevel, sur Second life. Et c’est en 2008 qu’est née la Sarl FRANCE3D. Maintenant, nous comptons une trentaine de sim et 150 résidents actifs alors qu’en 2010, près de 300 résidents s’activaient sur 120 régions… Quant à notre chiffre d’affaires, il a largement chuté depuis 2 ans.»
Quelles activités proposez vous sur SL?
«Jeux, concerts, cours de build... Vous trouverez tout le programme là.»
Quel est votre modèle économique?
«L’activité commerciale du domaine FRANCE3D a toujours reposé sur l’immobilier. Or, ce secteur s’est totalement écroulé depuis l’emballement du nombre de sims et d’acteurs sur le marché, stimulés par le programme “Atlas” de Linden Lab. Nous avons essayé de travailler sur la formation et la création d’objets virtuels pendant un moment, sans grand résultat. En fait, l’activité immobilière sert à financer tous les services du domaine : l’accueil, la sandbox, le programme d’activités quotidiennes… C’est encore aujourd’hui le cas, même si l’équilibre est très difficile à tenir.»
Votre activité est principalement orientée vers les loisirs?
«L’intérêt des mondes virtuels tient essentiellement dans les loisirs. Nous avons volontairement abandonné l’activité corporate en 2008 quand nous avons compris combien l’outil était complexe à maîtriser pour les quelques entreprises que nous avions aidé à s’implanter sur FRANCE3D. D’ailleurs en 2012, plus une seule entreprise française n’est présente sur SL, nous avions donc raison!»
Une activité commerciale est donc à proscrire sur Second Life…
« En ce qui concerne la vente, Second Life peut être intéressant dans certains cas, en one to one avec une démonstration virtuelle, par exemple. Sinon, rien ne vaut le «tchat» classique. On se souvient encore du virtual shopping lancé par le célèbre entrepreneur Pierre Olivier Carles et sa société Stonefield : il s’est bien évidemment cassé les dents. Il avait pourtant prédit que FRANCE3D disparaitrait avant Stonefield car le shopping avait plus d’avenir que les communautés virtuelles de loisirs. Il a disparu depuis 2 ans, FRANCE3D est toujours là!»
Mais une activité économique est-elle finalement viable sur Second Life?
«La réponse vient par l’exemple : aucun business français (francophone) n’a démontré un réel succès financier depuis les 5 ans d’existence médiatique de Second life. Tous on disparu, et ce n’est pas les exemples qui manquent : Cofidis, Crédit Agricole, Boulanger... Les gens ont trop voulu croire au rêve vendu par les médias et, du coup, tout le monde a fini par être déçu et bouder la plateforme. Il ne fallait pas la présenter comme un monde parallèle (Second Life) mais comme ce qu’elle est vraiment : un outil de communication. A partir de là, on aurait évité d’accueillir 90% d’avatars qui cherchent à travailler et gagner de l’argent. L’intérêt principal de SL, est communiquer, partager et créer, quoi qu’on en dise. Tous les business qui se montent autour n’ont aucune chance de réussir, pour la simple raison que SL est un projet privé appartenant à une société privée (Linden Lab). En d’autres mots, si demain Linden Lab change ses conditions d’utilisation ou ses tarifs (ce qu’il a souvent fait), il peut ruiner votre business en une seconde. Beaucoup ne sont plus là pour en parler, mais nombreux sont ceux qui ont perdu des sommes colossales suite au changement de règles sur les casinos, les banques virtuelles, les tarifs publics des sims, etc.»
Que pensez-vous du développement d’OpenSimulator?
«Opensimulator est un outil bien plus ouvert, puisque indépendant de toute société privée. Il ne jouit par contre d’aucune popularité, en dehors de quelques geeks et anciens de Second life. Dommage. Cela ne restera donc qu’un jouet pour geeks montant son serveur dans son garage, sauf si un mastodonte comme Google montait un réel projet commercial/populaire avec cet outil, ce dont je doute beaucoup. Ca reste donc un petit outil sympa pour amateurs ou chercheurs, mais ça n’ira jamais plus loin. En fait, le destin d’Opensim est lié à celui de Second Life. Les deux sont en train de mourir en silence, car personne n’a su les populariser en les rendant faciles d’accès, à l’exact opposé des réseaux sociaux. Quoi de plus simple, et donc de plus addictif, que Twitter?»
D’après vous, quelle est la cause de cette situation?
«Le plus gros échec selon moi reste l’absence de client SL dans les navigateurs web, ce qui oblige les utilisateurs à télécharger un énorme fichier, puis l’installer sur les seules plateformes compatibles. Linden Lab a préféré passer son temps à compter les dollars gagnés, plutôt que de pérenniser son embryon de projet révolutionnaire. Résultat : la société a réussi à décevoir les plus engagés de ses fans (je m’inclus dedans) en ne les écoutant pas, et en ne prenant que des mauvaises décisions coup sur coup. J’ai des dizaines d’exemples en tête, mais je préfère les garder pour moi et ne conserver qu’une image positive de SL, celle des rencontres et des découvertes, que nous continuons de partager chaque jour sur FRANCE3D.»
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