Les univers virtuels sont des espaces à conquérir, en particulier pour des artistes de toutes sortes. Christine Webster, artiste sonore compositrice, a investi les environnements virtuels pour y créer de véritable composition musicale. Elle nous explique sa musique « topologique ».
Avez-vous découvert les jeux vidéo avec Second Life ?
« Non ! J’étais déjà une «gameuse» lorsque j’ai testé pour la première fois Second Life en 2006. Je pratiquais beaucoup les jeux immersifs et poétiques comme Myst. Pendant mes vacances d’été, je cherchais un jeu et je me suis intéressé, un peu par hasard, à Second Life. Au début, je n’ai rien compris. A quoi ce jeu servait-il ? Que fallait-il faire ? Puis grâce au blog de Wangxiang Tuxing et à ses explications, j’ai commencé à comprendre. Et je suis retourné sur Sl au mois de décembre 2006, pour ne plus quitter les univers virtuels. »
La musique et le son ont très vite été le sujet central de vos activités virtuelles.
« Oui, je travaille dans la post-production audio-visuelle et je conçois mes propres compositions électro-acoustique. Je me suis rapidement dit qu’il y avait quelque chose à faire dans Second Life avec la musique, avec les sons. Mais je devais mieux appréhender ce monde et trouver des personnes avec qui collaborer avant de me lancer. J’ai ainsi composé ma première pièce pour streaming sur simulation pour EcoSystem Working Group, spécialiste de la vie artificelle. »
Qu’avez-vous fait d’autres sur Second Life ?
« En 2007, je me suis beaucoup investi dans la campagne de Ségolène Royal sur Second Life avec le comité 748. Nous avions créé de nombreux relais entre le réel et le virtuel. Je m’occupais du son des invités en réel, que nous diffusions sur Second Life. Par ailleurs, dans le cadre de mes activités professionnelles dans le marketing, j’ai eu l’occasion de créer des simulations sur Second Life avec des objectifs de business et de publicité. Mais j’ai quitté ce monde là… »
Revenons à la musique. Avez-vous organisé des concerts virtuels ?
« J’ai organisé mon premier concert immersif en 2008 avec des collectifs d’artistes comme Isla Montevideo aujourd’hui disparu et j’ai rencontré un vif succès, tout comme lors du Festival Reality où j’ai présenté ma première performance « topologique ». Nous sommes allés jusqu’à récupérer le son d’un micro installé au fond de la mer pour des expériences scientifiques pour le diffuser sur des installations virtuelles dans Second Life. En 2009, j’ai enchaîné avec un groupe d‘artistes, Aire Ville Spatiale, auquel j’ai apporté ma pièce « 55 Sounds ». »
Parlez-nous un peu de vos compositions…
« Mon but a très vite été d’aller plus loin : composer de la musique électro-acoustique, créer des sons, poser des sons dans l’espace… Je place des sons, les uns par rapport aux autres dans un environnement 3D. Nous ne sommes plus dans un contexte horizontal et vertical. Une composition classique impose un sens de lecture à son auditeur. Ce n’est pas le cas dans un univers virtuel où le sens de lecture est libre. Chaque individu/avatar peut déambuler à sa façon dans l’espace virtuel et préférer tel ou tel point de vue pour écouter les sons. Mais attention, je fais d’abord de véritable composition sonore, musicale. Le visuel vient autour, et si les deux coexistent, le son pourrait être écouté sans les images 3D. Le son est une création en soi. J’évite de faire du toucher/déclencher dans les environnements virtuels. En fait, l’avatar traverse l’œuvre, nous ne sommes plus devant un fichier qui se déroule. En se déplaçant le spectateur aura des points de vue différents, des sons plus ou moins forts, des sons qui apparaissent ou disparaissent, la déambulation est importante on peut rester fixe ou faire des bonds. L’oeuvre est jouée 24 heures sur 24, 7 jours sur 7… Cela explose complètement ce que l’on fait d’habitude. »
Comment appelez-vous votre musique ?
« Mon travail musical lie les univers persistants, leur aspect réseau social comme Second Life, et les jeux vidéo à la musique acousmatique. Cela donne de la musique «topologique».»
N’avez-vous pas des difficultés avec la qualité du son ?
« Sur Second Life ou OpenSimulator, la qualité du son est là. Dans un objet virtuel, nous pouvons mettre des sons en mono et en 44100 hz. La qualité du son n’est pas perdue à la lecture, nous n’éprouvons aucune frustration de ce côté là. L’analyse du sonogramme que j’ai réalisée montre que le système respecte le spectre du son. »
Avez-vous des projets sur OpenSim, avec FrancoGrid notamment ?
« Oui, l’Ensad m’a proposé de réaménager la région Limbic sur FrancoGrid dans le cadre du projet de musée virtuel de son laboratoire, l’En-Er Lab. »