En 2010 déjà, Lokazionel vous parlait de la Faculté de Droit Virtuelle de l’Université Jean Moulin Lyon 3 et de son projet de campus sur Second Life. Dix huit mois plus tard, où en est ce projet ambitieux ? Réponse de Gérald Delabre, directeur-adjoint du Centre Droit et Nouvelles Technologies de Lyon 3.
Quelles sont les évolutions majeures prévues pour votre campus virtuel ?
«Côté technique, nous travaillons à transférer notre environnement virtuel installé sur Second Life vers une plateforme OpenSim. Ce changement s’explique par la suppression des tarifs « éducation » de Linden Lab et par une politique informatique du CDNT, favorable à l’utilisation des logiciels libres. Nous aurons une plus grande liberté dans nos projets et nous serons moins limités par les coûts. Nous allons créer notre propre grille, hébergée sur nos serveurs, mais elle sera publique. L’idée est de créer un grand campus virtuel où d’autres établissements pourront mener des expérimentations pédagogiques.»
Avez-vous utilisé ces mondes virtuels pour vos enseignements ?
«En matière de pédagogie, un cours d’ouverture (optionnel) sur le droit des affaires canadien et québécois est ouvert aux étudiants de master. Ce module est entièrement dispensé en ligne. Tous les supports de cours sont disponibles sur notre plateforme Moodle de la FDV. Les enseignements se déroulent sur cinq périodes de trois semaines. Chaque séquence se découpe de la façon suivante : les étudiants consultent les ressources, ils préparent la thématique et, pour finir, suivent un cours en direct sur Second Life. L’évaluation se fait à la fois sur l’assiduité aux séances sur Second Life et sur deux tests en ligne, à mi et fin parcours. Les enseignements sont dispensés par Dobah Carré, du Canada, qui travaille sur une thèse sur la propriété des biens virtuels. Une vingtaine d’étudiants a déjà été certifiés en droit des affaires canadien et québécois en réussissant ce module.»
Ne craignez-vous pas la fraude avec ces outils à distance ?
«Pour vérifier la présence de chacun, des questions sont posées sur la thématique à chaque séance du cours en ligne sur Second Life. Les étudiants ayant préparé en amont la séquence sauront y répondre et participer. Par ailleurs, ce module n’étant pas obligatoire, les étudiants présents sont ceux qui en ont envie. Le risque de fraude est donc peu important. Au départ les inscrits sont nombreux, mais une grande proportion ne commence pas le module. En revanche, ceux qui confirment et commencent, vont jusqu’au bout.»
Quelles leçons retenez-vous de cette expérience ?
« En fait, nous constatons que ce mode d’enseignement recrée de façon assez étonnante les conditions d’enseignement réelles. Les apprenants ont la possibilité d’intervenir en posant des questions, mais comme en amphi réel, les étudiants n’osent pas… Ils ont tendance à se réfugier vers le Tchat écrit, plutôt que de prendre la parole. Heureusement, dans Second Life, nous pouvons inciter les participants à s’exprimer grâce aux différents réglages de l’interface et aux règles de conduite prévues.
Dans un espace virtuel, c’est-à-dire sans contact physique et visuel réel, il est très important de s’exprimer très clairement pour expliquer une idée, un concept. Le virtuel fournit moins de ressources pour se faire comprendre dans son expression que la réalité physique (geste, expression du visage, etc.). Et cet exercice est fort intéressant pour les juristes, cela les oblige à faire des démonstrations très claires.
Les cours en direct sur Second Life sont plus riches que les cours en amphi réel car il est très facile de diffuser, simultanément au discours de l’enseignant, des ressources comme des liens web, des données chiffrées ou des références à des documents, sur le Tchat notamment. Et ces ressources sont consultables immédiatement. Il est donc indispensable d’être bien concentré pour ne rater aucune information. »
Quels sont vos projets ?
«Dans l’avenir, nos réflexions s’articulent autour de trois axes : la formation en utilisant la simulation du contexte en matière de droit ; le serious game en proposant des situations quasiment auto-exécutables ; la notion de décision de justice, en mettant en pratique les modèles théoriques dans des univers virtuels. Nous réfléchissons, par exemple, à quel projet global nous pourrions mettre en place dans le cadre de notre tribunal virtuel. Bien sûr, nous poursuivons l’organisation de notre colloque annuel qui aura pour thème en 2012 : Droit et Justice dans les mondes virtuels.»
Les mondes virtuels sont-ils vraiment considérés comme un outil pédagogique?
«Oui. Les mondes virtuels font maintenant partie de notre panoplie d’outils d’enseignement à distance au même titre que les autres. Outre Second Life, et bientôt OpenSim, nous utilisons également Assemblive pour des rencontres ponctuelles avec des professionnels dans le cadre de l’Ecole de Droit de Lyon. Cet outil est moins contraignant que Second Life, il ne nécessite pas une heure de formation pour la prise en main…»