L'avenir du livre passe-t-il par les images 3D et les mondes virtuels? Une piste que souhaite explorer Lorenzo Soccavo, chercheur indépendant en prospective du livre, à travers son projet MétaLectures. Explications.
Pouvez-vous nous présenter votre projet MétaLectures ?
«MétaLectures est un environnement web 3D immersif, pour présenter, expérimenter et développer des solutions innovantes dans l’univers du livre et de la lecture. Dans un premier temps, sur l’année 2012, il s'agira surtout d’un espace d’évangélisation auprès des acteurs de l’interprofession du livre et du monde enseignant. J’espère ensuite qu’il évoluera assez vite vers un espace d’incubation de projets 3D innovants liés à la lecture. A titre personnel, dans le cadre de mes activités de chercheur indépendant en prospective du livre, et de conférencier (entre autres), je suis auto-entrepreneur. FrancoGrid, qui héberge l'ile 3D MétaLectures, est une association.»
Quel public souhaitez-vous toucher ?
«MétaLectures s'adresse avant tout aux acteurs de l'interprofession du livre. Les bibliothécaires qui souhaiteraient dupliquer leur bibliothèque sur le web 3D ou bien, par exemple, expérimenter de nouvelles formes de médiations avec leurs usagers. Les éditeurs pure-players désireux de découvrir les possibilités que pourrait leur apporter ce type d’environnement. Un éditeur pure-player est un entrepreneur qui publie des livres dans des formats numériques à destination des nouveaux dispositifs de lecture, comme les tablettes à encre électronique (le Kindle d’Amazon, par exemple), ou multimédia (comme l’iPad d’Apple). Je pense organiser "in world" durant les prochains mois, d'une part, des focus groups (certains avec des éditeurs, d'autres avec des bibliothécaires ou des enseignants intéressés), pour mieux percevoir leurs attentes, et, d'autre part, des conférences, pour «évangéliser» les acteurs du livre.
Beaucoup, en effet, ne connaissent pas l’existence de l’OpenSimulator, le serveur open source utilisé pour héberger ces environnements 3D. Ils restent négativement influencés par la mauvaise image que les médias français ont donné il y a quelques années de Second Life. Je pense qu’ils n’ont pas encore saisi que ce que nous appelons : «le Métavers», n’est en aucune façon un jeu en ligne, mais, bel et bien, un univers digital 3D qui est en train de se constituer, de prendre forme.
Dans ce méta-univers les internautes avatarisés peuvent se déplacer, communiquer et interagir, déjà pratiquement comme dans la réalité. A terme, la convergence avec l’Internet des objets et la réalité augmentée, va imbriquer l’univers physique (celui que nous percevons avec nos cinq sens très limités), et, ce métavers numérique. Je crois pouvoir dire que le métavers sera un jour à l’univers, ce que la métaphysique est à la physique : une clef pour comprendre le monde. Bien évidemment pour celles et ceux qui sont ouverts à une certaine liberté d’esprit !»
Avez-vous un objectif en termes de modèle économique ?
«Il s'agit dans un premier temps de tester et d’évaluer, notamment, comme je vous le disais, avec des focus groups et des conférences débats «in world» pour jauger l'intérêt et les attentes potentielles des acteurs de l'interprofession du livre. Ensuite... Tout est possible ! Je peux accompagner et conseiller ces professionnels du livre pour leur installation sur ces nouveaux territoires digitaux.
Dès à présent je cherche à nouer des contacts avec des partenaires multiples qui pourraient apporter leurs expertises techniques (builders, scripteurs, etc.), notamment pour la couverture d'événements en réalité mixte, la modélisation en 3D d'espaces réels extérieurs et intérieurs, la création d'espaces 3D innovants liés aux livres, la réalisation de prototypes de dispositifs de lecture pour le web 3D... Potentiellement MétaLectures est ouvert à toutes propositions de collaborations.»
Pourquoi développer un service dans un environnement virtuel pour le livre ?
«Le web va passer à la 3D un jour prochain. Ce n'est pas sans objectifs et sans ambitions que Google est en train de dupliquer notre monde physique en 3D avec Google earth ! De plus, depuis 1971 et le premier texte numérisé par Michael Hart aux États-Unis, nous passons de cinq siècles d'édition imprimée à l'édition numérique, une lecture plurimédia, multisupport et multicanal qui s’ouvre à de nouvelles structures narratives. Ces deux mouvements, l’évolution du web vers la 3D, d’une part, et, l’évolution du livre vers le transmédia, d’autre part, convergent naturellement. Et il faut que l’édition expérimente et innove. Il faut que les bibliothécaires et les libraires se familiarisent avec ce web de demain…»
Vous avez choisi de vous installer sur FrancoGrid. Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?
«FrancoGrid est le métavers francophone opensim qui spontanément m’a contacté et a manifesté un vrai intérêt lorsque j’ai commencé à communiquer sur mon projet. Ils prennent en charge la partie technique et l’hébergement de l’ile virtuelle pour cette année. De plus, la dimension francophone est pour moi très importante.
Un blog compagnon accompagne cette ile sur FrancoGrid. Je pense donner aussi à ce blog une dimension de veille, avec pour objectif de rendre compte des initiatives liées aux livres et à la lecture dans l'ensemble du métavers, ou celles liées à des projets culturels sur le web 3D.
Au-delà de ce partenariat avec FrancoGrid, je peux toujours potentiellement intervenir, notamment pour des conférences sur ces questions de l’avenir de la lecture, tant IRL que sur toutes les «grids». Et je compte aussi rester, et présent et vigilant, sur Second Life (via mon avatar Nzo Babenco). En 2007 j’y avais donné la première conférence «voice chat» en français. C’était dans le cadre de La Bibliothèque francophone du Métavers. Des pionniers comme j’aimerais qu’il y en ait bien plus en France !»