Sébastien Simao, alias Tao Vacano sur FrancoGrid, est professeur de mathématiques dans un collège marseillais. Il fait vivre une expérience virtuelle à un groupe d’élèves de 5e en difficulté. Leur projet ? Reconstituer l’île de Planier, au large de la ville phocéenne, dans un monde virtuel de type OpenSim sur un réseau local.
Quel était votre projet initial ?
« A l’origine, la reconstitution virtuelle de l’île de Planier faisait appel à plusieurs matières : la biologie, les mathématiques, la technologie, l’histoire... Il fallait reconstituer les fonds marins, une épave, construire un espace de réunion… Les connaissances abordées avec les élèves étaient donc transversales. Mais dans les faits, il a été difficile de mobiliser les enseignants des autres matières. Ils se sont intéressés à mon action mais n'avaient pas d'heures dégagées pour y travailler. L’enseignante de musique, elle, s’est du coup intéressée aux mondes virtuels dans le cadre d’ « Opéra Bis ». Les autres ont posé beaucoup de questions aux élèves sur le projet, mais ne sont pas venus « in world ». Il faut dire que je n’ai pas eu le temps de leur faire une formation sur les mondes virtuels… Je pense cette année pouvoir travailler avec le professeur d'histoire-géographie qui s'est montré très motivé. »
Outre le problème de temps, quels freins avez-vous identifiés auprès des enseignants ?
« L'utilisation des réseaux sociaux et des mondes virtuels avec les élèves n'est pas encore dans leurs mœurs… De plus certains n’ont tout simplement pas les connaissances informatiques pour activer le serveur local qui tourne sous linux. Ils sont séduits par le rendu sur le « viewer » (logiciel permettant d’évoluer dans le monde virtuel) mais de là à l'utiliser... »
A propos de technique, comment avez-vous mis en place ce projet ?
« J’ai utilisé la plateforme OpenSim, un logiciel libre, équivalent de Second Life, que j’ai pu installer en local sur un serveur Linux, dans le collège, et auquel les élèves accédaient à partir des ordinateurs de l’établissement. Il me fallait donc des connaissances en informatique. Par contre l'utilisation en ligne sur la Francogrid est plus abordable, il suffit de de se créer un compte sur cette page. »
Quels élèves étaient concernés par ce projet et quelle a été leur réaction ?
« J’ai mené ce projet pour 25 élèves de 5e. Leur participation à cet environnement virtuel, en réseau fermé, était obligatoire dans le cadre de cet enseignement au sein de l’établissement. En revanche l’accès à FrancoGrid (via Internet), où j’avais reproduit leur travail fait en cours, était libre. 50% des élèves se sont connectés et 30% ont vraiment été des « mordus » d’OpenSim à tel point qu’il a fallu mettre des limites pour qu’ils n’y passent pas leurs nuits ! »
Qu’est-ce que cette expérience a apporté en termes de pédagogie ?
« Dans le monde virtuel, le rapport avec les élèves a changé. Nous étions plus proches et leur intérêt pour le cours était plus important. Leurs inhibitions et leur timidité étaient levées, l'échec scolaire tendait à être oublié. Pour des enfants qui ont du mal à s’exprimer, travailler via des avatars leur a permis de progresser dans leur communication : demander quelque chose à quelqu’un poliment, essayer de se faire comprendre, exprimer leur problème. Les meilleurs « builders » (constructeurs d’objets virtuels) étaient, pour certains, très faibles en mathématiques. Pourtant, il faut utiliser certaines notions de géométrie pour créer des cubes, des sphères et des cylindres, qui, une fois assemblés, formeront un bâtiment, une épave, un meuble… Quelques élèves en grande difficulté ont pris le projet virtuel comme bouée de sauvetage et s’en sont mieux sortis scolairement. »
En cette période de rentrée, quels sont vos projets ?
« Je vais poursuivre ce travail en quatrième avec une partie des élèves que j'avais l'année dernière et d'autres. En plus de terminer la reconstitution de l’île de Planier , nous comptons aussi reconstruire notre collège en 3d à partir des plans des architectes, c'était une grosse demande des élèves. Je commencerai l’année avec une formation sur les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook, Google Plus ou encore le mail car ce sont des outils indispensables pour organiser nos rencontres virtuelles et s'informer de ce qui s'y fait. Il faut aussi mener un travail de sensibilisation et d'éducation à ses outils. »
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